Terre de vacances et d’inspiration…
« Ici il fait délicieusement frais le jour et merveilleusement froid la nuit. »
Jean Giono – lettre à Lucien Jacques – août 1928 – Cahier Jean Giono, tome 1
« Ici, nous sommes à la limite de la Provence et des Alpes, pas très loin de cette vallée où la Durance charrie en même temps que les grosses pierres de la montagne le gros et bon esprit montagnard … »
Jean Giono – Les Vraies Richesses
Implanté à 923m d’altitude, au confluent des torrents du Grand Büech et de la Bouriane, en bordure de la forêt de Durbon, Saint-Julien-en-Beauchêne était autrefois une station de moyenne altitude.
Le village était fréquenté en particulier par une clientèle provençale qui y trouvait un climat favorable et salubre (air pur et sec). C’était une étape touristique sur la RN 75 reliant Nice à Grenoble et appelée « route d’hiver des Alpes ».
C’est donc après plusieurs séjours dans le Beauchêne en compagnie de son épouse et de ses filles Aline et Sylvie, à partir de 1928, que l’écrivain publia le livre Un de Baumugnes, en référence au petit hameau perché non loin du village et dont il ne reste que quelques maisons et une chapelle.
Outre Jean Giono, le peintre Paul Signac a séjourné à Saint-Julien et résidait à l’hôtel des Alpins, il y a peint de jolies aquarelles du village entre fin juillet et début août 1914. (source internet)
« La route des Alpes est une merveille. Saint-Julien vous accueillerait volontiers avec sa simplicité , sa rudesse. »
Jean Giono – Lettre à Jean Paulhan, sept 1931 – Cahier NRF, correspondance 1928/1963
« Nous avons loué un appartement 3 pièces (1), deux chambres à Saint-Julien-en-Beauchêne, Hautes-Alpes. »
Jean Giono – Lettre à Maxime Girieud, juin 1928 – Cahiers Jean Giono, tome 1.
Trouver cette maison n’a pas été facile… Mais un petit mail au maire de la commune, M. Jean-Claude Vallier, une réponse sympathique et très intéressante et le tour était joué ! En voici la copie :
« Cette maison est à l’angle de la rue du Dauphiné, et la rue de Provence. Je ne suis pas allé sur Google Earth, où je pense que vous pouvez la voir également.
Elle est à peu de distance du « Café du peuple », qui n’existe plus en tant que café, mais est devenu une habitation particulière. Juste en face de la maison Giono, il y avait un autre « bistrot », le « Café du Centre ». Je serais enclin à penser que le « Prélude de Pan », écrit par Giono, est inspiré de « festivités » dans le Café du centre, et je pense aussi qu’ à son époque, les habitants allaient régulièrement dans les « bistrots » de la commune, qui étaient bien plus nombreux qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Enfin, Giono circulait beaucoup, à l’époque, les trains avaient la bonne idée de s’arrêter dans toutes les communes traversées, et beaucoup de gens utilisaient ce moyen de se déplacer. Maintenant, la Région a rétabli une circulation d’autorails, qui traversent nos communes sans s’arrêter, ce qui revient à dire qu’ils ne rendent pas le service que les habitants pourraient en attendre. On n’arrête pas le progrès… »
J.C. Vallier, Maire de Saint-Julien
« Depuis longtemps je viens dans ce maigre village de montagne ; il est aux confins de ma terre ; il est aux lisières des monts, assiégé de renards, de sangliers, de forêts et d’eau glacée. De hauts pâturages dorment au milieu des nuages ; le ciel coule et s’en va sous le vent ; il ne reste là-haut que le vide gris et les vols d’aigles silencieux comme le passage des ombres. »
Jean Giono – Solitude de la pitié
Quelques images du village, au fil des rues…
Entre Hautes-Alpes et Haute-Provence…
qui peut être couvert)
« Ça se passait au jeu de boules avec le chef de gare et le capitaine d’habillement de Grenoble en congé. Je buvais l’anis comme feu Verlaine et je passais des soirées dans un bistrot à allure de caverne à brailler des chansons piémontaises avec accompagnement d’accordéons. »
Jean Giono – Lettre à Lucien Jacques – août 1928 – Cahier Jean Giono, tome 1
« Ce 4 septembre, donc, on écarta les volets, et c’était le beau temps. Ceux du café du Peuple avaient planté un mai devant leur porte. (…) Ceux du café du Centre avaient installé des tréteaux jusque sous l’arbre de la Liberté. Le lavoir était plein de bouteilles qui fraîchissaient sous l’eau. L’épicier avait commandé à son cousin du Champsaur une caisse de tartelettes, et il était sur le pas de sa porte à les attendre, et il disait à ceux qui passaient :
« Vous savez, je vais avoir des tartelettes. »
Et on pensait :
« Bon, ça fera bon dessert. »
Jean Giono – Solitude de la pitié
Un de Baumugnes. « De simples histoires d’espérance… »
« C’est « Un de Baumugnes » qui nous a mis dans ce train. Cette ligne est même le meilleur itinéraire pour repérer la géographie du roman. Puisque tout au long de la voie ferrée, les lieux se succèdent comme dans les pages du livre.
(…) Mais c’est une fois franchi le col de la Croix-Haute seulement, qu’on entre dans « Un de Baumugnes ». Car voici Saint-Julien-en-Beauchêne, où naquit ce roman. »
Dominique Le Brun – Le bâton de Colline
Sur la D 1075 qui descend vers la Haute-Provence et le val de Durance, à la sortie de Saint-Julien, il y a sur la gauche cette petite pancarte qui m’a longtemps attirée, ce qui y était écrit aiguisait chaque fois ma curiosité…
Moi aussi c’est Un de Baumugnes qui m’a mise sur cette toute petite route bordée de chênes verts qui serpente à flanc de colline, deux véhicules ne peuvent se croiser, il faut rouler doucement et profiter du paysage.
Quelques sommets, des forêts, des prairies, la rivière, une fromagerie, une chapelle et enfin une poignée de maisons forment ce joli hameau.
Et là soudain, beaucoup d’émotion, je suis à Baumugnes (2)…
« Dans le matin, si tu arrivais, au bout de ton pas, sur le rebord de Baumugnes (c’est guère possible, mais admettons) si tu arrivais, dans le matin, ce serait dix maisons et le poids silencieux de la forêt. »
Jean Giono – Un de Baumugnes
« Je passe à l’embranchement où est planté le poteau : « Route de Baumugnes ». Je m’arrête un moment. L’air est glacé.(…) Le vent fait toujours le même sifflement dans les rochers qui marquent l’ouverture du chemin. Il me semble que je suis revenu au temps où j’écrivais ici mon livre. Parmi vous qui m’avez aidé, parmi vous qui avez tout fait. »
Jean Giono – Les Vraies Richesses
» Dans la plupart de ces maisons, mes livres sont sur la cheminée de la cuisine, entre la boîte à sel et le bougeoir. Et on les prend pour ce qu’ils sont : de simples histoires d’espérance. »
Jean Giono – Les Vraies Richesses
« Moi, j’ai dans moi Baumugnes tout entier, et c’est lourd parce que c’est fait de grosse terre qui touche le ciel, et d’arbres d’un droit élan ; mais c’est bon, c’est beau , c’est large et net, c’est fait de ciel tout propre, de bon foin gras et d’air aiguisé comme un sabre.
Baumugnes !
La montagne des muets ; le pays où l’on ne parle pas comme les hommes. »
Jean Giono – Un de Baumugnes
« …Et ils sont arrivés sur cette petite estrade de roche, au bord des profondeurs bleues, tout contre la joue du ciel, et il y avait encore un peu de terre à herbe, et ils ont fait Baumugnes… »
Jean Giono – Un de Baumugnes
Fresques publicitaires et fontaines…
Cette halte annuelle à Saint-Julien reste incontournable.
Me rapprocher de l’écrivain sur cette route des vacances, marcher dans ses pas toujours en quête de l’oeuvre, c’est idéal pour se préparer à rejoindre le cher pays de Haute-Provence.
Et pour finir une belle petite adresse, le restaurant de « l’hôtel les Alpins »(3) à Saint-Julien. Belle terrasse, service sympathique, assiettes copieuses et délicieux produits du pays !
Le 23 Octobre 2023,
Michèle Reymes
(1) Monsieur et Madame Bertrand, cultivateurs aisés en retraite, chez qui Jean Giono avait pris pension à Saint-Julien.
(Note dans Cahier Giono, tome 1)
(2) Baumugnes, orthographié selon…(Beaumugne ou encore Baumugne)
(3) Hôtel « les Alpins » autrefois appelé « hôtel des Alpins ».