Des Alpes-de-Haute-Provence jusqu’aux collines du Haut-Var…
Je vous invite aujourd’hui à une jolie balade, nous partirons des Alpes-de-Haute-Provence plus exactement de Manosque pour aller jusqu’aux confins du Haut-Var à Bargemon en passant par les gorges majestueuses du Verdon… Allons-y !!
« On a laissé chez soi (qui nous attend) tout ce qu’on appelle le confort moderne. Soudain, ici, on s’aperçoit qu’en bas il nous manque l’essentiel. Quoi ? Le temps ! Le temps de vivre, le temps d’exister, le temps de faire le tour de soi-même.(…) Tout d’un coup, on voit brusquement à quoi sert la vie, et qu’on ne vit pas. N’importe qui (d’un peu bien fait) donnerait n’importe quoi pour faire les cent pas sur cette esplanade avant d’aller dormir entre ces murs contre lesquels gronde le vent. »
Jean Giono – Provence
Manosque
« Il y a seulement vingt ans, Manosque avait encore les deux tiers de sa beauté(…) tout a disparu. Manosque n’est plus qu’un ramassis d’HLM arrogants, hideux et fragiles. (…) La seule architecture de qualité est (pour quelques temps encore, mais compté) celle des collines, des plateaux et des déserts.
En voyant cette riche vallée de la Durance, on n’imaginerait pas qu’à quelques kilomètres de là existent des territoires de solitude, de sécheresse et de vent. »
Jean Giono – Provence
« Aussi loin que le regard puisse porter, se déroule l’espace monotone et désert : l’azur sans une faille et sans un nuage, la terre couverte de ses feuillages rouillés. Le village voisin est à quinze ou vingt kilomètres. Ce n’est pas cette distance qui effraie : ce sont les pas inutiles. À quoi bon aller là-bas où rien n’est différent d’ici ? Il y a bien longtemps qu’on a fait son compte. […] L’air d’une pureté sans égale fournit au corps une alimentation ardente qui pousse à la démesure. Si l’on ne s’éloigne qu’en soi-même, qu’on le fasse au moins avec toutes les audaces. L’écrivain qui a le mieux écrit cette Provence, c’est Shakespeare. »
Jean Giono – Provence
Les sommets, le Mourre de Chanier, La Sainte-Victoire et le Mont Ventoux.
« Un paysage qui ne peut que pousser au bonheur »
« C’est là qu’il faut remercier quand la route vous hisse jusqu’à la vue qui embrasse des centaines de kilomètres carrés, jusqu’au Mourre de Chanier à l’est »...
« …jusqu’à la Sainte-Victoire à l’Ouest »…
« Jusqu’au Ventoux au Nord. (…) Toutes gentilles montagnes bien élevées, bien découpées et susceptibles de prendre un joli bleu dans l’orient de la lumière. »
Jean Giono – Provence
Valensole et son plateau
Valensole et son plateau c’est à voir absolument, si on aime les grands espaces et quelle que soit la saison, on ne peut qu’être conquis par autant de beauté… Une beauté sauvage et un paysage où tout semble avoir été calculé en totale harmonie avec la grande nature…
Ici une terre caillouteuse, jaune ou rouge qui s’embrase au soleil, là les sillons des plans de thym et de lavande, ici un arbre bien vert tordu par le vent, là une petite route droite bordée de poteaux électriques qui lui donnent un air de Far-West et qui file vers l’horizon, ici une ferme isolée, là un cabanon en ruine, ici une touffe de lavande encore. Tout un festival de couleurs !!!
« Valensole a une église espagnole (ou qu’on dirait). Elle émerge du plateau par la pointe de son extraordinaire clocher. Pendant quelques instants, il semble qu’elle sorte toute vivante d’un océan de lavande(…) le bourg est étagé sur le flan d’un val ensoleillé (de là son nom). »
Jean Giono – Provence
Puimoisson, Riez-la-Romaine…
Puimoisson tout comme Valensole se situe sur le plateau, c’est un village paisible que Jean Giono fréquentait lorsqu’ il rendait visite à ses amis Maria et Ernest Borrély les instituteurs de l’école communale du village. Riez village de fontaines et de lavoirs, chargé d’histoire romaine avec ses vestiges classés dégage une belle douceur de vivre sous ses platanes centenaires.
« De là on accède en quelques kilomètres à travers les forêts de chênes blancs très sauvages, au large sur lequel vogue le village de Puimoisson. Ici les éléments de la vie ne peuvent plus rester liés ensemble sans le secours des vieux courages. »
Jean Giono – Provence
(…) « A petits pas, ou à petits tours de roues, on s’en va vers Riez-la-Romaine…
(…) cette vieille ville, qui conserve encore quatre très belles colonnes d’un temple.
(…) et des ruelles d’un moyen âge poignant. »
Jean Giono – Provence
Moustiers Sainte-Marie
À Moustiers Sainte-Marie, comme le dit si bien Jean Giono, tout est « mise en scène », un village de crèche de Noël, très touristique par sa proximité avec les gorges du Verdon et le lac de Sainte-Croix et bien sûr célèbre pour sa faïence. Un théâtre à ciel ouvert…
« La grande mise en scène est réservée pour Moustiers Sainte-Marie. Brusquement par un détour de la route, on entre au Châtelet un soir où se jouerait à grand spectacle « La Passion d’Arnoul Gréban ».
Voilà Bethléem (…) C’est tout d’un coup une très grande production. La mise en scène a dû coûter les yeux de la tête. (…) On comprend avec étonnement émerveillé que les rochers, les cyprès, les oratoires, les chapelles et les croix sont en matière véritable et que le metteur en scène est Dieu. »
Jean Giono – Provence
« A partir de là, la somptuosité du décor n’en finit plus… »
« Quand on sera bien gorgé de théâtre, je conseille de passer ici la nuit qui éteint toutes les lampes, pour venir vers les minuit, quand tout le monde dort, écouter sur la place de Moustiers le bruit du torrent qui joue dans les échos de son ravin. »
Jean Giono – Provence
Les gorges du Verdon, le château d’Aiguines et Rougon.
Tant que l’on n’a pas vu les gorges du Verdon, on ne peut pas imaginer… Trop d’adjectifs me viennent en mémoire , somptueux, spectaculaire, grandiose, superbe, majestueux… Le plus grand canyon en Europe… Ce que je peux dire c’est que lorsqu’on arrive au point sublime pour la première fois et que l’on se penche « un peu » on se sent tout petit devant le gigantisme du lieu et sa beauté vertigineuse et on a le souffle coupé !!
« Nous sommes aux portes de ce que l’on appelle vulgairement les « Gorges du Verdon » c’est un paysage shakespearien avec un soupçon de Victor Hugo et beaucoup de Gustave Doré. (…) ce sont surtout des profondeurs, des à-pics et des gouffres. »
Jean Giono – Provence
« La route monte le long d’amères pentes(…) C’est à ce moment là que la route nous met le château d’Aiguines en belle vue. C’est un très beau spécimen d’une noblesse qui ne transige pas. (…) il a quatre tours coiffées de Moustiers, il a profité de la pente sur laquelle il était juché pour dérouler ses escaliers. »
Jean Giono – Provence
« C’est à ce palier métaphysique qu’il faut gagner les balcons du Verdon, car on doit se préparer aux abîmes. Ceux-ci ne sont pas seulement ici des avenues perpendiculaires vers le centre de la terre. Si vous n’êtes pas sensibles au vide, penchez-vous sur l’abîme du belvédère de Rougon. Mille mètres plus bas, un petit filet d’argent luit, un petit serpent circule en silence. »
Jean Giono – Provence
« Rien de plus romantique que le mélange de ces rochers et de ces abîmes, de ces eaux vertes et de ces ombres pourpres, de ce ciel semblable à la mer homérique et de ce vent qui parle avec la voix des Dieux morts. »
Jean Giono – Provence
Le plan de Canjuers et le vieux village de Brovès
« De l’autre côté de ces crêtes, se trouvent les grands déserts paisibles du Canjuers. Il faut se hâter de voir le Canjuers (2) pour quelques temps encore, l’Olympe ; bientôt il sera transformé en champ de tir. »
Jean Giono – Provence
(…) « Que ceux qui croient aux progrès viennent respirer ici un air qu’ils n’ont jamais goûté ; qu’ils viennent s’imprégner d’un silence auquel ils ont parfois essayer de rêver ; ils ne pourront faire leurs comptes qu’après. »
Jean Giono – Provence
Sur le plateau, perdu au milieu de nulle part, il y a ce petit village que l’on appelle le « Vieux Brovès », c’est un village ruiné, un village sacrifié par l’arrivée en 1974 des militaires à Canjuers, ils y ont fait leur terrain de ‘jeux de guerre’ (3).
Il n’en reste plus grand chose aujourd’hui, beaucoup de ruines, mais le charme opère toujours… Un peu plus bas aux confins du Haut-Var, Brovès, village déplacé, renaît de ses cendres et est maintenant rattaché au village de Seillans (4), on le nomme désormais « Brovès en Seillans », village dortoir, succession de lotissements sans grande beauté mais qui a tout de même rapatrié sa vieille fontaine et son monument aux morts. Pour les anciens habitants de Brovès le lundi de Pentecôte est sacré, l’armée les autorise à revenir dans leur village pour un pique-nique de retrouvailles, eux qui se sont éparpillés aux quatre coins du département. C’est sans doute une belle journée du souvenir.
dans un décor beaucoup plus anonyme
Les collines du Haut-Var et le village de Bargemon
Bargemon est un village médiéval pittoresque du Haut Var niché dans la verdure des collines varoises, ici on respire la Provence, on apprécie les petites rues typiques et les bâtisses anciennes restaurées avec goût. On se balade tranquillement et on profite de la jolie place ombragée où les grandes terrasses nous invitent à la détente…
« Enfin une vapeur qui tremble à l’horizon signale Bargemon et on descend, tout étonné, dans un village du Moyen Âge qui paraît après ce qu’on a vu, une anticipation de l’an 2000. »
Jean Giono – Provence
« A Bargemon, les routes sont emmêlées comme des fils de laine dans lesquels les chats ont joué. Qu’il s’agisse de redescendre vers les pays faciles ou de continuer à monter vers l’essentiel, elles tournoient sur elles-mêmes comme si elles ne pouvaient se décider à vous conduire à un endroit ou à un autre (…) Il faut prendre soi-même la décision… »
Jean Giono – Provence
« D’ici déjà, par dessus la vallée où dorment des saules opulents, on peut entendre les rumeurs de la Nationale 7 et même de la Côte d’Azur. »
(1) À l’entrée des gorges du Verdon se trouve maintenant la magnifique retenue d’eau du lac de sainte-Croix, c’est une retenue artificielle, mise en eau en 1973 à la suite de la construction du barrage de Sainte Croix sur le cours du Verdon.
(2) Le plateau de Canjuers : encore appelé « Plan de Canjuers » est occupé depuis 1974 par les militaires, c’est le plus grand camp d’Europe continentale.
(3) Brovès, vieux village sacrifié, ancienne commune du département du Var, supprimée en 1972 lors de la création du camp militaire de Canjuers. (projet qui datait de 1963 ).
Les habitants du village qui le souhaitaient ont été relogés dans le nouveau hameau appelé Brovès en Seillans, construit donc sur la commune de Seillans (4) dans le Haut Var. Ce vieux village abandonné est en ruine, détruit en grande partie par les militaires, ils en firent un lieu privilégié d’exercices de tirs. (Les photos figurant dans cet article ont toutes été prises avec autorisation.)
(4)Seillans – Joli village perché du Canton de Fayence, qui se trouve sous le plateau de Canjuers, c’est un endroit qui mérite le détour et où il fait bon vivre.