« C’est un port, l’un des plus beaux du bord de l’eau. Il est illustre sur tous les parallèles. A tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers.
Il est l’un des seigneurs du large. Phare français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la terre. Il s’appelle le port de MARSEILLE. »
Albert Londres – Marseille, porte du sud
Jour 2 donc, poursuivons notre balade au fil des quartiers en compagnie de l’auteur…
Le quai Rive Neuve
Jean Giono, « l’ami des peintres », en août 1935, se rend à Marseille chez son ami Jacques Thévenet (1) et écrit à Lucien Jacques :
« Cher Lucien, je suis à Marseille chez Jacques Thévenet (Il n’y est pas mais j’ai repris son atelier pour un mois 12 quai Rive Neuve) Si tu viens ici, arrive me voir. »
Jean Giono et Lucien Jacques – correspondance
La rue de Rome, la rue Sylvabelle et le quartier Notre-Dame
La rue de Rome, aujourd’hui complètement aménagée, ne reçoit plus que le tram qui mène place Castellane… Elle qui était si bruyante et si polluée par la densité de sa circulation est devenue havre de paix. C’est un plaisir de s’y balader en admirant les jolis magasins. Un peu plus loin la rue Sylvabelle, bourgeoise, longue et assez étroite est bordée d’immeubles Second Empire admirablement restaurés.
« Je me suis dit que de toute façon, il était maintenant trop tard pour monter la rue Sylvabelle et gagner la colline Notre-Dame de la Garde, comme j’avais eu l’intention de le faire en quittant le tramway 54 et en m’engageant dans la rue de Rome ».
Jean Giono – Noé
« Après avoir vu mes experts, je m’en allais dans le quartier Notre-Dame de la Garde que j’aime beaucoup à cause de son caractère de village de colline qu’il conserve malgré qu’il soit attenant à la ville ».
Jean Giono – Noé
Notre-Dame de la Garde
Que dire de Notre-Dame de la Garde, cette bonne-mère protectrice, tant convoitée, tant admirée, tant vénérée et sur qui l’on fonde tant d’espoir… C’est de là-haut qu’on embrasse toute la ville à 360°, un instant magique...
La Canebière
« Quand dans mon trolleybus de Castellane, je traverse la Canebière, je vois, là-bas au fond, le fort Saint-Nicolas et, à l’endroit où le mur a son arête en forme de proue, l’emplacement de ma cellule. »
Jean Giono – Noé
Le fort Saint-Nicolas et le fort Saint-Jean
Le fort Saint-Nicolas, érigé sur ordre de Louis XIV , est un ouvrage massif mais pour autant élégant. Il est la place défensive du vieux port dont il marque l’entrée, il impressionne par sa taille. Jean Giono y fut incarcéré quelques mois en 1939 à la déclaration de guerre.
« C’était une cellule pour un seul prisonnier dans laquelle nous étions deux. On était obligés de doubler les cellules parce qu’il y avait beaucoup trop de prisonniers. (…) Il y avait au sommet de notre porte cet endroit grillagé par lequel le prisonnier reçoit l’air. Cet endroit grillagé donnait en plein ciel parce que c’était une cellule qui se trouvait au sommet du fort Saint-Nicolas à Marseille. Dans cette cellule, le soir, quand la nuit tombait, que nous étions couchés, arrivait au bout d’un certain moment une toute petite étoile. »
Jean Giono – Jean Amrouche – Entretiens
Juste en face, le fort Saint-Jean donne la réplique au fort Saint-Nicolas, ouvrage défensif initié au XIIe siècle, plus discret, plus distingué et beaucoup moins imposant mais au charme indéniable dû à sa pierre rose. On remarquera que Jean Giono note qu’il n’y a pas beaucoup de mâts dans le port de Marseille, s’il revenait aujourd’hui il serait bien étonné !!
« Il y a bien toujours quelques mâts (il y a très peu de mâts dans le port de Marseille) mais il y a surtout, haut sur l’horizon et murant entièrement tout le fond de la Canebière, le magnifique fort Saint-Nicolas. Le grand mur du fort qui me fait face se termine vers la gauche par une belle arête de proue. C’est exactement dans cette proue que j’avais ma cellule en 1939. J‘ai passé dans cette prison quelques-unes des plus belles heures de ma vie. Je ne mens pas. »
Jean Giono – Noé
L’avenue du Prado, David et les plages
Le Prado, large avenue en prolongement de la rue de Rome nous conduit tout droit vers la mer, c’est un boulevard accueillant et ombragé. Il est bordé de demeures d’un autre siècle, toutes plus élégantes avec des jardins luxuriants. L’arrivée vers le rivage et la corniche Kennedy est du plus bel effet !!
« Sans jamais avoir eu l’allure aristocratique de celui de Madrid, le Prado de Marseille était une belle avenue ; elle est aujourd’hui dévorée par l’automobile, sauf dans sa branche qui va vers la mer où elle est restée ce qu’elle était à l’origine » (…)
Jean Giono – Provence
« Une résidence de feuillages et d’oiseaux. Elle est encore dans cette partie escortée de demeures, les unes belles, les autres dans un style 1900 assez touchant, mais toutes entourées de beaux arbres et de pelouses, parfois même de taillis. Elle débouche sur la mer dans la meilleure tradition des avenues d’aventure. »
Jean Giono – Provence
Le Vieux port
Peu importe l’heure à laquelle nous nous promenons sur le Vieux port, à chaque visite on est toujours étonné de tant de magie, on oublie toujours que c’est aussi beau… et pourtant de jour comme de nuit, on reste là à regarder, comme envoûtés !!
Le marché aux poissons
Chaque matin, elles s’installent, les poissonnières. Elles ont le verbe haut pour attirer les touristes. Ici on trouve tout ce qu’il faut pour faire la bouillabaisse, sans compter les daurades, les sardines, les poulpes et les galinettes.
« Ces dames de la Halle aux poissons ne jouent leurs rôles que devant l’étranger, qu’elles reconnaissent à coup sûr. Mais, si elles ont affaire à quelqu’un de leur race, elles auraient honte de s’exprimer comme au théâtre. »
Jean Giono – Provence
Et pour finir la mer…
A Marseille elle a le premier rôle… elle est celle par qui tout arrive et aussi, souvent celle par qui tout repart, qu’elle soit bleue, verte, grise ou noire selon le temps elle est à cet endroit un des plus beaux paysages maritimes qui soit avec cette rade somptueuse, parsemée d’îles qui permet à la ville cette ouverture sur l’immensité.
« Au-dessus d’elle dort la mer qu’on voit finir au fond du ciel contre une ligne droite et noire, mais vient en bas jusqu’au ras des murs bouillonner dans des blocs de ciments (…) les étincellements du soleil d’été composent sur la mer une immense ville de terrasses habitée d’une population verte et vive »
Jean Giono – Noé
« (…) On arrivait de plain-pied sur la plus haute terrasse et, tout de suite, on était aveuglé par le miroitement de la mer. Mais, pendant qu’on restait ainsi un instant, les yeux clos, à regarder le frémissement de la mer courir en ondulations noires sur le rouge des paupières fermées, on était enveloppé de ce baume de liberté qui emplit les vents marins. »
Jean Giono – Noé
« Le climat, la langueur orientale des vastes eaux, les étés torrides, les siestes dans les salles fraîches où le bourdon des guêpes organise le halètement sensuel de rêves lourds. »
Jean Giono – Noé
Retour à Manosque
« Pour un voyage aussi court que celui-ci à Marseille, quand je rentre, je retrouve sur le quai de ma gare cet air vif des Basses-Alpes et avec lui, mon pays, comme revenant d’un dépaysement extraordinaire, c’est que l’air d’ici a un goût particulier. »
Jean Giono – Provence
(1) Jacques Thévenet (1891 – 1989) : peintre, ami de Jean Giono, il illustrera de belles éditions des romans et nouvelles de l’auteur comme Un de Baumugnes, Jean le Bleu, Provence… Ils effectueront ensemble et en famille plusieurs voyages en Italie. Pour en savoir plus, lire Giono et les peintres de Michèle Ducheny (page 282)
Michèle Reymes
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